Un certain nombre de médias italiens ont parlé du contenu de la réunion de Khemaies Jhinaoui, ministre tunisien des Affaires étrangères, et de son homologue italien Luigi Di Maio le lundi 23 septembre 2019 en marge de la 74e session de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, à savoir : la classification des ports tunisiens comme un espace sûr.
Cette description avait pour but d’orienter les personnes migrantes secourues dans les eaux méditerranéennes vers la Tunisie en échange d’un soutien économique et d’investissements italiens dans le pays.
Selon les autorités tunisiennes, il s’agissait de «consolider la coopération bilatérale entre les deux pays, notamment sur les questions prioritaires». «Les deux Etats ont discuté d’un certain nombre d’enjeux internationaux et régionaux d’intérêt commun et se sont concentrés sur l’importance de poursuivre les discussions pour promouvoir la paix et la sécurité dans la région».
Cette nouvelle s’inscrit dans le contexte des politiques adoptées par le gouvernement italien de Giuseppe Conte qui tendent à classer la plupart des villes et des ports comme sûrs pour accueillir les migrants et qui multiplient les opérations de rapatriement forcé.
Les pressions à l’encontre de la Tunisie se sont récemment intensifiées, à travers les médias et les déclarations officielles, sous prétexte qu’elle n’est pas en mesure de contrôler ses frontières maritimes, et ce, alors même que le nombre d’immigrants arrivés en Italie de manière non réglementaire a diminué de trois fois entre janvier et août 2019.
Ce nombre est passé de 3.812 immigrants en 2018 à 1.326 immigrants en 2019. Le nombre d’interceptions a également diminué au cours de la même période : nous dénombrons 2.280 immigrants (es) interceptés (ées) comparativement à 3.720 en 2018.
Le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux souligne :
1. La responsabilité des Etats de l’UE envers les personnes migrantes, que ce soit en les sauvant en Méditerranée ou en les accueillant dans leurs ports.
2. Son soutien à la position officielle tunisienne déclarée en 2018 concernant son refus d’établir une plate-forme portuaire en Tunisie pour les migrants et les risques que contiendrait un changement vis-à-vis de cette position.
3. Que les ports tunisiens ne sont pas sûrs pour les migrants, étant donné que la loi tunisienne ne protège ni les migrants ni les réfugiés sur son territoire et que les organisations nationales et internationales ne sont pas en mesure de répondre aux besoins essentiels de ces catégories de personnes. La crise en cours à Médenine en est la meilleure illustration.
4. Que les pressions croissantes des autorités officielles italiennes sur la Tunisie en matière de migration et d’immigration peuvent être considérées comme une menace pour sa souveraineté, sa stabilité et les principes de sa Constitution. Ces pressions menacent les principes de coopération censés respecter la souveraineté des Etats et qui visent à créer, en Méditerranée, un espace sûr et égalitaire garantissant les droits de toutes les personnes migrantes.
5. Appelle le prochain gouvernement à annuler toutes les conventions bilatérales signées avec l’Italie en matière de rapatriement collectif qui se poursuivent depuis des années sans aucun respect des conventions internationales (convention des Nations unies de 1951 et son protocole de 1967 et l’article 33 qui insiste sur le respect de conditions déterminées pour engager le processus de rapatriement)
6. Condamne les politiques d’extorsion et les aides conditionnelles imposées par les Etats européens qui affectent l’esprit d’équilibre et de coopération équitable pour la paix et la justice.
7. Renouvelle son soutien à toutes les approches humanitaires en Méditerranée et à toutes les organisations et initiatives qui contribuent à limiter les tragédies qui se déroulent chaque jour en Méditerranée et à promouvoir le droit à la libre-circulation.
Abderrahmane Hedhili, Président du Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux